Musiciens, artistes et philosophes livrent ici leurs RÉFLEXIONS SUR L'ÉCOUTE MUSICALE et nous invitent à réfléchir aux questions suivantes :
- Comment écoutons-nous ?
- Pourquoi écoutons-nous ?
- Que cherchons-nous à travers l'écoute de la musique ?
Bonne lecture,
EcouteClassique.com
Pour jouir pleinement de la musique, il faut être dans un pur abandon de soi-même. Un esprit préoccupé en entendant de la musique n’est jamais dans une situation assez libre pour en juger.
Savoir écouter est un art.
Pourquoi écoute-t-on avec plus de plaisir ceux qui chantent des morceaux de musique que l’on se trouve connaître à l’avance, que des morceaux inconnus ? Serait-ce que l’intention du compositeur est, en quelque sorte, plus facile à saisir lorsque l’on connaît le morceau chanté et que l’on se plaît à en être l’auditeur, ou bien parce qu’il est agréable d’apprendre ce morceau ? Or, la cause de ce double plaisir, c’est que, dans ce dernier cas, on acquiert la science, puis, que l’on s’en sert et que l’on reconnaît ce que l’on a appris ; de plus, ce qui nous est familier est plus agréable que ce qui ne l’est pas.
Écouter, c’est entendre avec la pensée.
L’écoute musicale est un acte, procédant d’une démarche volontaire, d’une curiosité pour l’autre et qui advient là, devant soi. Elle permet de saisir une forme structurée dans le temps et l’espace, et devient jeu de mémoire fait de souvenirs et d’anticipations. Mais l’écoute comme source de plaisir esthétique ne se réduit pas à une somme de savoir. Et reste une alchimie instable, éphémère et changeante, sans formule à résoudre.
Dans le cadre de l'écoute, l'enjeu est simple, : il s'agit de faire de l'ineffable un dicible et du fugace une permanence. Le son, de lui-même, toujours s'échappe.
Autrefois un Jean-Sébastien Bach était obligé de faire dix lieues à pied pour aller dans une ville voisine entendre Buxtehude dans ses oeuvres. Aujourd'hui l'habitant de n'importe quel pays n'a qu'à tourner un bouton ou faire marcher un disque pour obtenir l'audition d'une pièce de son choix. Eh bien ! c'est précisément dans cette facilité inouïe, dans cette absence de tout effort que siège le vice de ce soi-disant progrès. Car dans la musique, plus que dans toute autre branche de l'art, la compréhension n'est donnée qu'à ceux qui y apportent un effort actif. La réception passive ne suffit pas.
La première audition, en musique, est rarement la bonne : on découvre mieux ce qu'on connaît déjà.
L’écoute est, sinon rebelle, au moins irréductible, c’est une attente et une attention, elle a une épaisseur propre, elle est toujours aussi, au moins en partie, un imprévu : elle dépend de tout, des moments et des genres, des lieux et des gens, et avant cela des moyens, des supports, des formats inventés pour produire et diffuser de la musique. Elle est le dispositif d’ensemble et l’ensemble des dispositions qui permettent, à un instant donné, de faire surgir de cette activité une série d’effets, de sensations, de plaisirs ou d’émotions. Elle n’est pas pour autant un art du seul instant présent, bien au contraire. Ces effets sont toujours incertains mais ils n’ont rien d’immédiat, ils supposent une préparation.
La musique existe partout et toujours, c’est seulement l’écoute qui est intermittente.
La raison pour laquelle on juge mieux des Arts par instinct que par raisonnement, c'est que leur premier effet est une sensation.
Le jeu de la reconnaissance, les perspectives de l’écoute, voilà qui fait le prix et la réussite d’une œuvre, qui crée en nous à la fois le sentiment d’une vérité immédiate et d’une vérité enfouie plus profondément, que nous ne sommes pas sûrs de saisir dans sa totalité.
L’art de la musique sous-entend un art d’écouter, pour le public, qui correspond à un art de créer et d’exécuter, pour le compositeur et l’interprète. L’art de la musique ne saurait être qu’instinctif, pas plus chez le créateur que chez celui qui écoute. Contrairement à ce que bien des gens croient, l'auditeur ne saurait être absolument passif.
Donnez-moi le meilleur piano d’Europe mais comme auditeurs, des gens qui n’y comprennent rien, ou qui ne veulent rien y comprendre, et qui ne sentent pas avec moi ce que je joue, j’y perds tout plaisir.